Octobre 2005. Quelques mois après la « révolution du Cèdre », je débarque à l’Université Saint- Joseph de Beyrouth pour suivre des cours de sciences politiques et d’arabe, et débute en même temps un stage à l’hebdo libanais Magazine. C’est au Liban que j’ai décidé de passer l’année de césure entre mes deux années de master de journalisme au CELSA.
Alors que je m’apprête à rentrer en France, la guerre entre le Hezbollah et Israël éclate en juillet 2006. Je me jette à l’eau en publiant mes premiers articles pour la presse française. Après quinze jours de bombardements, je finis par quitter Beyrouth à bord d’un ferry grec. Le Lera Petra frôle les frégates israéliennes qui pilonnent les immeubles. Sur le pont, les Libanais s’effondrent en pleurs. Je me fais la promesse de revenir.
Septembre 2007, je suis de retour à Beyrouth. Je débute ma vie de freelance avec des correspondances pour Metro et le quotidien canadien La Presse. Je me retrouve rapidement plongé dans le chaudron de l’actualité, avec sa dose d’adrénaline : je couvre la prise de Beyrouth-Ouest par le Hezbollah en mai 2008, la vague d’assassinats de personnalités « anti-syriennes » qui frappe Beyrouth ou l’accouchement du Tribunal spécial pour le Liban, émaillé de tensions.
Avec le soulèvement syrien, c’est une autre période intense qui débute. Au printemps 2011, je suis l’arrivée de centaines de familles qui traversent le bras de rivière du Nahr el-Kebir pour se réfugier au Liban après la répression des moukharabats syriens. Les années suivantes, je pars souvent des journées entières dans la plaine de la Bekaa, à la rencontre de réfugiés anonymes qui survivent dans des camps boueux, alignés à perte de vue. Le conflit syrien fait vite tâche d’huile au pays du Cèdre. Dans la banlieue sud de Beyrouth, la Dahieh, je vais à la rencontre des jeunes combattants du Hezbollah engagés aux côtés de Bachar el-Assad, mais aussi des rebelles syriens dans le village frontalier d’Ersal, leur base arrière face aux pentes enneigées de l’Anti-Liban.
Depuis 2012, je suis le nouveau correspondant de Libération à Beyrouth. Je collabore aussi avec le Journal du Dimanche, le Télégramme, Le Soir en Belgique et Alternatives internationales. Dans les pages « Grand angle » de Libé, j’explore la société libanaise, ses cicatrices et ses non-dits : la quête sans fin des familles des disparus de la guerre civile, la discrète communauté juive, l’infernal quotidien des travailleuses domestiques qui retrouvent l’estime de soi grâce à la dramathérapie. Je publie également dans le mensuel économique libanais Le Commerce du Levant divers dossiers d’investigation sur la corruption au Liban, notamment sur les finances de la municipalité de Beyrouth, l’immobilier ou la gestion des déchets.
Février 2016. Je dois brusquement rentrer en France pour des raisons médicales, et je laisse derrière moi dix ans de vie, le temps d’une traversée matinale jusqu’à l’aéroport.
Ce n’est que deux ans plus tard que je reprends mon carnet de notes, à Paris. Je consacre plusieurs longs articles à la Syrie pour Le Point ou Le Nouvel Obs, sur l’aide humanitaire française dans les régions pro-régime ou sur Marota City, le « nouveau Dubaï » dont rêve Bachar el-Assad. Je pige également pour le site web de France 24 pendant près d’un an, et le Journal du dimanche.
Je me lance aussi dans une enquête au long cours sur la communauté Dom, minorité ethnique discriminée en Syrie, que l’on aperçoit dans le métro avec des pancartes « familles syriennes ». Pendant un an, je suis l’une d’entre elles en Seine-Saint-Denis, et grâce à la bourse « Brouillon d’un rêve » de la SCAM, je publie un long récit sur cette « communauté invisible » dans Gibraltar, revue spécialisée sur la Méditerranée.
Depuis l’été 2019, je vis entre Paris et Oxford, toujours comme journaliste indépendant. En terre du Brexit, je réalise notamment plusieurs reportages sur le mouvement Extinction Rebellion. Je continue à écrire sur le Liban et la Syrie, en particulier pour Middle East Eye et le site web de TV5 Monde. Je retourne fréquemment à Beyrouth : en octobre 2019, j’ai sauté dans un avion pour raconter l’émergence du Hirak, ce mouvement populaire de la jeunesse libanaise exigeant le départ de toute la classe politique corrompue, héritée de la guerre civile.
Plus de quinze ans après y avoir posé le pied pour la première fois, je continue de faire vivre mon « deuxième pays » dans des reportages et des articles d’analyse, et de suivre de près l’actualité de la Syrie voisine.
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